La saison de chasse aux gibiers d’eau touchant à sa fin, il temps de passer en cuisine ! Derrière chaque recette « maison » il y a une histoire! C’est pour cela que j’ai choisi de vous raconter celle de mon pâté de limicoles.
La chasse des limicoles c’est quoi ?
La chasse des limicoles est une chasse très ancienne qui me passionne depuis plusieurs années et qui entretient ma passion saisons après saisons. La diversité des espèces me pousse à multiplier les sorties en début de saison dans le but de trouver celles que je n’ai jamais pu rencontrer. C’est une chasse estivale, relativement courte dans la saison et qui s’intéresse donc aux limicoles (bécassines, bécasseaux, pluviers, chevaliers, courlis etc.). Elle demande une grande connaissance des espèces, des biotopes et parfois même une bonne condition physique ! En effet, elle se pratique majoritairement en baie, sur les marais côtiers et même sur les plages où les espèces y sont nombreuses. De ce fait, il faut être particulièrement vigilent quant aux espèces protégées. Cette chasse est donc très peu connue pour toutes ces raisons mais fait l’objet d’un véritable culte pour quelques chasseurs passionnés du littoral picard près duquel j’ai grandi et beaucoup chassé.
Un article complet sur la chasse des limicoles mériterait d’être écrit tant il y a de chose à en dire. Je me permettrai simplement un dernier aparté sur la chasse de la bécassine, des marais ou sourde, qui est de loin la chasse de limicole que je préfère. J’essaye de la pratiquer en fin d’été et tout au long de l’automne dès que j’en ai l’occasion. J’ai par ailleurs la chance d’avoir un épagneul français en tant que compagnon de chasse, qui exprime le mieux ses qualités en terrain marécageux sur les dames aux longs becs, ce qui m’a poussé à me « spécialiser » dans cette chasse.
Et la cuisine dans tout cela ?
Eh bien, les limicoles et la cuisine, en voilà une histoire ! Le monde de la cuisine a ses gibiers stars et ses oubliés. Si l’on trouve une abondance de recettes sur les grands gibiers, le faisan, la perdrix, le pigeon ramier, la bécasse et même les grives, cela se restreint pour le gibier d’eau. Les canards et les oies passent en tête de liste des recettes de gibier d’eau disponibles, quoi qu’il soit bien souvent nécessaire d’adapter des recettes dédiées initialement aux oiseaux de basse-cour. Chez les limicoles, on trouve parfois quelques recettes mettant les bécassines à l’honneur…et c’est tout !
Les limicoles oubliés de la cuisine ?
La chasse des limicoles est une chasse de tradition qui se pratique plus pour le spectacle qu’elle offre que pour la réelle volonté de déguster un gibier d’exception. Mais parce que chaque gibier prélevé doit être consommé, il convient de trouver les recettes qui tenteront de le mettre en valeur.
De nombreux amateurs de gibier trouveront que la seule exception chez les limicoles soit la bécassine sourde ou des marais. Cette dernière peut être cuisinée assez facilement avec des recettes traditionnelles et peu élaborées mais, personnellement, je reste persuadé qu’en fonction de leur lieu de provenance, elles ont des goûts différents qui peuvent être très prononcés…
Les limicoles ayant un mode de vie bien souvent côtier (en dehors des pluviers, vanneaux et bécassines que l’on rencontre presque partout), ces oiseaux ont un gout iodé très prononcé qui rappelle l’eau de mer et tout ce qui s’y rapporte. Inutile de préciser donc qu’il est difficile de leur faire perdre et je garderai toujours en tête ce souvenir d’un jour où, ayant prélevé mon premier courlis cendré, je me suis mis en tête de le cuisiner. La recette était « simple et efficace » pour de nombreux gibiers mais pas pour le courlis. Il m’a été difficile de finir mon assiette tant le goût était puissant et je me rappelle encore mon père me disant comme à son habitude « té l’a tué, té l’minches », comprenez « tu l’as tué, tu le manges ». Cette adage familiale, étayé par quelques autres mésaventures sur des bécassines, des chevaliers gambettes ou aboyeurs, m’a résigné à chercher une recette miracle pour ces petits oiseaux.
La « solution pâté »
Pas de miracle mais une recette très ancienne est arrivé à mon esprit : le pâté ! En fait, après avoir demandé conseil à de nombreux spécialistes de la chasse des « pointus » (autre terme pour désigner les limicoles), je me suis rendu à l’évidence qu’il s’agissait de la meilleure solution. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le pâté était autrefois essentiellement composé de bas morceaux. Il présente l’avantage d’être simple à réaliser (moi-même je n’en avais jamais fait) et il se garde longtemps en bocaux. Point négatif : il nécessite un peu de temps de préparation, un peu de matériel et peu être raté puisqu’une fois cuit, il est difficile de rectifier quoi que ce soit.
Après chaque saison de chasse, je vide mon congélateur et dédie une journée complète à la préparation de pâtés ou saucisses à base de gibier. Je me fais souvent aidé d’amis ce qui nous permet de passer un bon moment de convivialité.
Et la recette alors ?
Je vais vous présenter ma recette de pâté de limicoles sans plus attendre ! Il s’agit de ma recette personnelle que j’ai affiné au fil des années et que l’on peut très bien accommoder à sa façon. Je le prépare en bocaux que je fais stériliser pour pouvoir en profiter tout au long de la saison de chasse mais vous pouvez très bien le réaliser dans une terrine s’il est consommé rapidement et/ou mettre le reste sous vide.
Ingrédients pour 1kg de préparation :
500g
500g
15g
1
17g
3g
15g
5g
5g
10cl
*Selon ce que vous voulez/avez. Personnellement je mets simplement du thym, du romarin et du persil pour environ 5g.
**Alcool de pomme de mamie type calvados (le même alcool qui réveille les âmes endormies et décolle les estomacs mal accrochés) ou autre alcool. Même s’il sent fort, vous verrez qu’après cuisson le goût du fruit ressort bien. L’alcool est facultatif dans cette recette.
Matériel :
Un couteau d’office
Un grand saladier ou bac alimentaire
Des ramequins
Un hachoir (électrique de préférence)
Des bocaux et joints ou couvercles associés
Un stérilisateur
Une balance
Un presse ail (facultatif)
Un mini hachoir à main (facultatif)
Préparation :
Temps total : 210 min
Préparation :
90min
Repos :
–
Cuisson :
120min
1-Placez l’oiseau sur le dos et retirez quelques plumes en son centre, au niveau du bréchet (os plat qui sépare les deux flancs).
2-Avec un petit couteau à lame pointue, incisez la peau et faites-y une fente de la taille de votre pouce. Tirez ensuite la peau vers l’extérieur de chaque coté pour qu’elle se décolle des filets
3-Avec la pointe de votre couteau, longez le bréchet pour retirer le filet. Il est bien important de bien garder la pointe le long de l’os pour ne laisser de filet sur la carcasse. Attention, sur la partie haute, l’aiguillette (sous le filet) et le filet sont attachés au bréchet. Un couteau bien aiguisé sera donc un gros plus.
4-Procédez de la même manière pour le second filet.
La recette étant terminée, il ne vous reste plus qu’à profiter de vos bocaux tout au long de l’année car il se conservent au minimum un an. Ces bocaux seront parfaits pour faire découvrir quelque chose de nouveau à votre famille et à vos amis. Un léger gout iodé combiné au goût du fruit de l’alcool, vous aurez un pâté qui sortira à coup sûr de l’ordinaire tout en ayant le plaisir d’avoir sublimé de magnifiques oiseaux. Il s’accompagnera parfaitement avec des salicornes — ou passe-pierres comme on les appelle en Picardie — pour un repas tout en connexion avec le monde des oiseaux d’eau.
Les bons gestes pour finir
Si vous souhaitez vous investir dans une chasse plus durable de ces espèces, pensez également à garder les oiseaux après les avoir pesé et en avoir prélevé les filets. Ils pourront servir ainsi à des études scientifiques menées par les divers organismes cynégétiques comme l’ISNEA !